La monographie a longtemps été un cadre d’analyse privilégié, et continue de l’être, se basant souvent sur les outils d’une seule discipline. 53, n° 3, p. 383-397. Face à une idéologie coloniale narrant un passé sans « progrès », il fallait développer un contre-discours scientifique dans lequel l’histoire des villes africaines tenait une place déterminante13. Quant aux stratégies symboliques, elles peuvent s’incarner à travers des mises en scène du prestige du pouvoir ou de sa pureté, notamment par l’islam, comme le montre l’article de Stephanie Zehnle sur la promotion par le deuxième émir de Sokoto d’un nouveau modèle de ville musulmane sur son territoire. A Thematic Introduction », in P. Sinclair, G. Nordquist, F. Herschend, C.A. Le revenu disponible des ménages augmentera en moyenne de 5,6 % par an et le pouvoir d’achat total devrait passer de 420 à 1 000 milliards de dollars. Revelry, Rebellion, and Popular Consciousness on the Swahili Coast, 1856-1888, Porthmouth, Heinemann. Green, T., 2019, A Fistful of Shells: West Africa from the Rise of the Slave Trade to the Age of Revolution, Chicago, University of Chicago Press. Une idée forte de notre dossier est que l’absence supposée de formations urbaines est très souvent le résultat d’une invisibilisation causée par manque ou par l’interprétation erronée de sources écrites, de vestiges archéologiques et d’a priori idéologiques. L’étude systématique des enceintes, dont l’intérêt pour l’histoire urbaine a été souligné depuis le début des années 2000 par les archéologues sur tout le continent, demeure en chantier, mais des études récentes soulignent que la présence d’enceintes autour des centres de pouvoir, petits et grands, est un indicateur de fragmentation politique plutôt qu’un caractère essentiel du fait urbain11. > Pouwels, 1987 ; E. Akyeampong, 1996 ; S.P. Pensons par exemple au Sahara (bien que des formes urbaines y ait existé à proximité des points d’eau), à des zones forestières en Afrique équatoriale ou à certaines régions au sud-ouest du continent où des organisations socio-économiques fondées sur la chasse-cueillette ou sur le pastoralisme ont longtemps perduré. (36 % en moyenne) sont inégaux et font ressortir que les 28Reconnaître la ville n’est cependant pas tâche facile pour l’archéologue, parfois pris dans les rets de modes de pensée qui tendent à définir la ville en termes plus ou moins fluides qui ne trouvent pas toujours une signature archéologique lisible51. Pour renforcer les frontières de l’empire, Bello encouragea le déplacement de populations du centre vers les périphéries. Dans un contexte où les thèses souvent teintées de nationalisme fleurissaient, il s’agissait de combattre un triple cliché : les Africains auraient été des ruraux par nature, les villes modernes auraient été un produit de la colonisation et donc le fruit d’une histoire récente, et la vie urbaine contemporaine provoquerait de fait un mal-être social. 4Ce dossier examine ainsi, à travers une pluralité de sources écrites, orales, archéologiques et visuelles, les lieux où s’est incarné le pouvoir politique et les stratégies matérielles et symboliques qui ont été adoptées pour mettre en scène – ou contester – la légitimité et la continuité de l’ordre dans les villes. Origins, Development, and Consequences of Social Complexity in Southern Africa, The Oxford Handbook of African Archaeology. De futures investigations permettraient de comprendre si l’hydraulique à Siğilmāsa a constitué un marqueur social des différents pouvoirs urbains. Pradines, S., 2001, Fortification et urbanisation swahili. Des sources historiques et des données archéologiques sont mobilisées pour étudier le fonctionnement hydraulique de l’oasis et les pratiques agraires. Elle est … , A., 2002, « Städte und Urbanisierung in Afrika in historischer Perspektive – eine Skizze », « Elusive Wattle-and-Daub: Finding the Hidden Majority in, The Golden Bough: A Study in Magic and Religion. Mais il précise que ce sont des données de seconde main, car les auteurs ne se sont pas rendus en personne dans la ville. S’il existe désormais un champ historiographique fourni sur les villes avant 1900, force est de constater que celui-ci reste en retrait par rapport aux études sur la période postérieure3. 15Les relations entre le territoire urbain et l’exercice du pouvoir, thématique au cœur du dossier, permet d’aborder de façon transversale maintes facettes du fonctionnement des villes avant 1900, à travers des aspects matériels et symboliques. Les nouveaux arrivants, en particulier ceux que craignaient les autorités d’Iwo, ont été autorisés à s’installer dans des villages séparés qui, à force d’accueillir des migrants, sont devenus des quartiers à part entière, ayant leurs propres caractéristiques. Plusieurs ensembles urbains ont occupé différentes parties du site. , Berkeley, University of California Press. Ils appellent aussi à aller plus loin dans la compréhension du caractère unique de ces expériences urbaines : « certaines [villes] étaient très visibles, avec des frontières clairement définies, des villes fortifiées en Afrique occidentale sahélienne, des villages palissadés de l’Afrique orientale, tandis que d’autres ne représentaient guère plus qu’un ‟amas de casesˮ – des groupes de villages dispersés entrecoupés de champs et de pâturages32 ». 44, n° 1, p. 1-25. > Stahl (dir. Aymeric Nsangou, J., 2018, « Pitfalls, Ditches and a Wall : Territorial Defence Strategies of the Bamun of Foumban, Cameroon », Azania, vol. © FNSP - Sciences Po, Atelier de cartographie, 2019. 8Dans les faits, la présence humaine a produit dans certaines régions, et pendant des périodes prolongées, des formes d’occupation de l’espace caractérisées par une urbanisation faible. Géographie Des études de cas au Maghreb, en Afrique occidentale forestière et sahélienne et en l'Afrique de l'Est abordent ces enjeux. Autrement dit, elle aurait conservé une tendance « impérialiste » visant à assimiler et annexer le passé africain à un ordre du savoir historique fondamentalement eurocentré. ), 2018, The Swahili World, Abingdon, Oxon/New York, Routledge. Des définitions classiques listaient une série de critères : une société stratifiée, une population dense, l’appropriation par le pouvoir du surplus de nourriture, une architecture publique monumentale, la pratique de l’écriture, le développement de sciences comme les mathématiques et l’astronomie, la concentration d’une pluralité de fonctions administratives et économiques, etc.25 Tirés de l’observation du développement des villes antiques de Mésopotamie et de Grèce jusqu’aux métropoles industrielles occidentales, ces critères ont servi à ériger des modèles soi-disant universels. Ce croisement est également bénéfique quand on s’interroge sur les pratiques quotidiennes urbaines, que ce soit celles des élites ou d’autres groupes sociaux, petits artisans, esclaves ou nouveaux arrivants, . Le fait urbain y est un faisceau complexe et évolutif, qui échappe pour partie aux cadres conceptuels dans lesquels la réflexion sur la ville a été élaborée depuis le xixe siècle. Ajoutons à ces difficultés les De futures investigations permettraient de comprendre si l’hydraulique à Siğilmāsa a constitué un marqueur social des différents pouvoirs urbains. Rencontres entre mondes islamique et chrétien, L’Afrique orientale et l’océan Indien : connexions, réseaux d'échanges et globalisation, Histoire et archéologie du Sahel ancien : nouveaux regards, nouveaux chantiers, Cérémonies de la mort. L’exemple de la gestion des ressources hydrauliques à Siğilmāsa abordé par Thomas Soubira dans ce dossier en est une illustration parfaite. De nouvelles cités émergent, quand d’autres se désagrègent, alors que les modes de gouvernance sont refondés. Les historiens de l'Afrique ont assez peu écrit sur les villes, surtout anciennes (précoloniales), ils ont laissé ce champ à quelques anthropologues et, à partir de l'époque coloniale, aux géographes. Vernet, T., 2004, « Le territoire hors les murs des cités-États swahili de l’archipel de Lamu, 1600-1800 », Journal des Africanistes, vol. Les études consacrées à l’histoire urbaine africaine seraient-elles donc coupables de s’incliner devant l’« idole des origines22 » ? En voulant combattre les discours eurocentrés qui ont émergé dans le cadre du colonialisme – des discours comme celui de l’historien britannique Hugh Trevor-Roper, qui, dans les années 1960, avait soutenu qu’il n’y avait pas d’histoire en Afrique, c’est-à-dire pas de « mouvement orienté vers un objectif », mais juste des « agitations infructueuses de tribus barbares dans des endroits du globe pittoresques mais sans importance20 » –, l’historiographie africaniste aurait elle-même trop souvent épousé un concept d’histoire calqué sur un modèle européen. Certaines villes ont traversé des accidents démographiques majeurs, avant de renaître sur le même site, comme les recherches récentes de la Mission archéologique d’Ife-Sungbo l’ont montré à Ilé-Ifè, créant ainsi des palimpsestes urbains complexes dont l’interprétation historique est délicate7. Selon cette enquête, la ville la plus chère du top 10 africain est Ndjamena, la capitale du Tchad, occupant la 11 ème place au plan mondial.